à l'appel du collectif national de l'action culturelle et cinématographique (Blac)

lundi 14 janvier 2008

Texte d'introduction

Cinéma et audiovisuel :


Vers le démantèlement de la diversité culturelle en France ?


Nous sommes à un moment singulier de l’histoire culturelle et politique de notre pays, qui va, dans les années à venir, au vu des options politiques ou réglementaires annoncées, connaître des modifications profondes.

Des signes aussi tangibles que :

  • une baisse importante des crédits d’Etat alloués à la diffusion culturelle cinématographique ;
  • au 11 janvier, une incertitude quasi totale pour les porteurs de projets quant aux apports respectifs du Ministère de la Culture via les crédits déconcentrés en DRAC et du CNC appelé à la rescousse dans une grande improvisation ;
  • en contradiction avec différents courriers envoyés en toute urgence cette semaine par la ministre de la Culture et par Matignon annonçant « une participation financière de l’Etat (…) dans des conditions comparables de celles de l’an passé », nous pouvons affirmer d’ores et déjà que certaines structures verront leurs financements diminuer fortement voire disparaître ;
  • l’absence, à ce jour, de représentants de la filière cinématographique du programme des entretiens de la rue de Valois (entretiens proposés par notre ministre de la Culture) ;
  • l’annonce d’une Révision générale des politiques publiques dont on ne connaît, ni les orientations, ni les conséquences, quant à l’avenir des DRAC – directions régionales des affaires culturelles – (outil de proximité indispensable dans le cadre d’un aménagement culturel du territoire concerté et garant dune véritable politique d ‘Etat dans le domaine de la Culture) ;
  • une véritable incertitude quant aux liens futurs entre le ministère de la Culture et le Centre national de la cinématographie (suppression de la subvention de fonctionnement du ministère au CNC, autonomisation envisagée, annonce de la mise en place d’un conseil d’administration du CNC…).

Tous ces signes ne peuvent que nous interroger sur le devenir d’un modèle d’action culturelle voulue par les pouvoir publics et les professionnels et soutenue depuis plus de 50 ans en France par l’Etat.



Il apparaît essentiel aujourd’hui de défendre ce modèle, symbolisé par un ministère de la Culture, certes modeste financièrement, mais ô combien représentatif de l’attachement historique de notre pays aux arts et à la création.

Face à ce désengagement, depuis l’automne 2007 émerge une expression politique collective, inédite pour la filière cinématographique.

Plus de 200 structures présentes sur le territoire national et plus de 500 personnalités,

des auteurs, des réalisateurs, des techniciens, des producteurs, des distributeurs, des festivals, des associations, des salles de cinéma privées et publiques, des lieux et réseaux de diffusion et de création, des structures d’éducation artistique et d’action culturelle, des enseignants, des chercheurs, des élus et des spectateurs…

…ont signé le manifeste « Cinéma et audiovisuel : vers le démantèlement de la diversité culturelle en France ? »

Cette prise de parole collective et unitaire permet d’envisager aujourd’hui de nouvelles manières de penser et de défendre l’action culturelle cinématographique.

Nous avons souhaité avant tout chose au fil de cette introduction à nos échanges, revenir et illustrer les grands principes qui guident nos activités.

L’action culturelle cinématographique a toujours souffert d’une identité trouble et mal définie :

  • « terre inconnue » pour les uns, faisant office de correctifs à la marge de l’industrie du cinéma ;
  • secteur non-rentable et concurrentiel au développement d’un marché économique « vertueux », pour les autres.



Nous affirmons ici et maintenant que l’action culturelle cinématographique interroge tout autant les enjeux d’une création innovante et singulière que les conditions de la diffusion du cinéma indépendant. Nos missions s’articulent autour des différents champs liés :

  • au développement de la création et au renouvellement des talents ;
  • à la diffusion des œuvres et à la sensibilisation des publics ;
  • et au recensement et à la conservation du patrimoine ;
  • la démocratisation des savoirs et des pratiques d’éducation au cinéma et à l’image.

L’action culturelle cinématographique permet une rencontre entre les publics et les œuvres dans leur singularité et dans leur diversité. Tout ce travail favorise l’existence sur les écrans d’œuvres, qui n’ont pas droit à une existence, sinon de manière très épisodique.

Favoriser l’accès des publics à des cinématographies singulières répond en effet de façon complémentaire et indispensable, à une exigence de démocratie culturelle avec le double principe de formation et d’élargissement des publics.

Nos organismes constituent autant de réseaux professionnels d’une véritable action publique de la culture et contribuent au maillage du territoire par une diffusion en profondeur des œuvres, tout en maintenant également un lien social de proximité.

Plutôt que de parler du « grand public » ou de part de marché, nous préférons évoquer :
  • des publics qualifiés par la pratique de lieux ;
  • de salle de cinéma d’art, d’essai et de recherche ;
  • de festival, d’association et de personnalités « passeuses d’images ».

Bien que menant une action différente du modèle dominant, ce n’est pas pour autant que nos réseaux ne tiennent pas compte des réalités financières d’un secteur professionnel dans son ensemble.

Nos actions génèrent des activités économiques et des emplois au bénéfice du cinéma dont elles contribuent depuis des années, au renouvellement.

Affaiblir les acteurs de la diffusion culturelle, c’est immédiatement limiter les ressources des salles de cinémas, des distributeurs, des producteurs, des auteurs et des réalisateurs et, par la même, menacer le champ de la création.

Cette action culturelle cinématographique n’aurait pu se développer sans la mise en œuvre de mécanismes de financements publics adaptés aux enjeux de ce secteur.

Le mouvement de décentralisation a permis à de nombreuses collectivités territoriales d’impulser, de questionner en coopération avec l’Etat, de nouvelles politiques en faveur du cinéma comme spécificité culturelle forte et identifiable au niveau national et européen.



La baisse des crédits d’Etat aura pour conséquence de rompre une politique établie jusqu’ici selon le principe fondamental de l’égalité entre les citoyens.

Cette décision portera, à coup sûr, un coup d’arrêt aux acteurs, aux structures et aux projets les plus fragiles, et obligera dans tous les cas dès 2008 à des ajustements qui limiteront fortement le rayonnement de nos actions. Autant de signes d’une première étape d’un démantèlement durable.


Comment, dès lors continuer à :
  • encourager la création ;
  • faciliter la rencontre des œuvres et des publics ;
  • organiser les festivals ;
  • mettre en place des formations et une éducation artistique au cinéma ?

Quels modèles de coopérations et de réformes faut-il envisager avec les pouvoirs publics, les organismes professionnels, pour éviter une paupérisation de la vie culturelle Française ?

Nous sommes déterminés à mener le débat et une évaluation dans le cadre d’une véritable concertation avec nos différentes tutelles.

Nous avons besoin d’un soutien réaffirmé de l’Etat et de la mise en œuvre de moyens adéquats pour que le système de soutien français à l’action culturelle cinématographique puisse continuer à exister.

Autant d’enjeux qui nécessitent une prise de parole forte et militante aujourd’hui.